Auteur: Gonçalo M. Tavares
Editeur : Points
263 pages
Synopsis
La folie rode dans la cité de Jérusalem. Une nuit de juin, six ombres errent dans les rues menaçantes. Un enfant parti à la recherche de son père, une jeune femme schizophrène, un ancien militaire angoissé, une prostituée défraîchie... Ces silhouettes vont se croiser et se rencontrer dans un drame complexe, où chacun cherche à assouvir une pulsion ou bien réparer une souffrance.
Mon avis
Je remercie les éditions Points pour cet ouvrage, mais également Livraddict qui me permet une belle lecture.
• Résumé
Jérusalem. « Ils peuvent te désigner pour torturer, ou pour être torturé (…) Tu n'as pas d'alternatives, tu dois torturer. » Par ces quelques mots de la page 139, TAVARES pénètre dans l'horreur d'une société grise.
Jérusalem. Voici dans cet ouvrage, le portrait d'une société, et ses membres. Déroutant. L'auteur nous entraîne dans la vie de quelques personnages: docteur renommé adepte des quartiers où l'amour se répand sur les trottoirs, un couple d'anciens patients d'hôpital psychiatrique à la recherche de leur enfant, un enfant déficient mental se promenant dans les rues nocturnes, un ancien soldat aux envies pédophiles.... ces hommes et ces femmes se côtoient, se croisent, se lient, et se séparent par la mort ou l'abandon.
Qui sont-ils? Nous: En choisissant de vivre dans la conscience intime de chacun d'eux, le narrateur nous entraîne dans leurs pensées les plus secrètes, où s'entremêlent morbide et grisaille. Ces personnages d'encre et de papier deviennent chair et sang. La naissance est martyre. Voir au travers de leurs yeux, suivre pas à pas les quelques 80 000 pensées quotidiennes de chacun, leurs interférences, et les conséquences qui s'ensuivent un pari formidable: VIVRE. « aucun médecin ne peut pratiquer cela sans le consentement de la
femme. - Personne ne m'a rien demandé. »: MOURIR.(p. 203)
• Intrigue
« C'est un tableau qui commencera a être peint par une génération (…) c'est une peinture mais une peinture historique (…) et dans cette histoire il y a un sous-chapitre: l'histoire de l'horreur » (p.53)Les relations entre des personnages que rien ne semblent lier. Et pourtant....
Ce docteur, Theodor, ex-mari d'une patiente d'hôpital psychiatrique. L'enfant de celle-ci? Le fruit d'un adultère avec un autre patient. Nous ne saurons rien de leur liaison, de leur intime: ils sont parents, nous le savons , et c'est bien assez. Ils seront punis pour cela.
Qui est ce soldat qui laisse leur enfant sur le sol, dans les bas fonds d'une ruelle? Peu importe. Tous ces personnages ont un point commun: on peut leur attribuer un éclat particulier, qui les rend tous différents les uns par rapport aux autres au sein de l'ensemble de la société, mais les relie comme un sentiment d'appartenance reconnue ou tout au moins énoncée: la folie. -sur le docteur: « excusez moi de vous le dire publiquement: vous êtes fou » (p. 222)- « je peux vous dire que nous avons toujours aussi peu de places pour le nombre de gens qui veulententrer »(sur l'hôpital psychiatrique p.231).
• Mon sentiment.
A la fin du livre, nous revenons au début, comme si l'Histoire se répétait et « repassait les plats ».(Céline). Ce phénomène de construction littéraire est étrange, mais me semble agréable. Les citations de la Bible, les prières d'espérances les plus traditionnelles du peuple juif « si je t'oublie que ma droite se dessèche », marquent un temps dans la narration, où l'espérance est présente, comme un rayon de soleil.
Dénouement assez stupéfiant, qui m'a plu puisque le croisement final (ou initial?) des différents protagonistes les amène au plus profond d'eux mêmes. On y découvre lâcheté, mensonge et douleur. Le processus de narration rappelle sans équivoque une société kafkaïenne: frappés par la folie, tous vivent en ombres, et meurent à l'image de leur existence: sans éclat.
En bref
Roman sympathique qui tire plus vers l'essai que vers un livre de chevet!
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